h LSDreams - 18 : Le temps de la confusion

   
  LSDreams
  18 : Le temps de
la confusion
 
 

Le temps de la confusion

 
   La confusion mentale s’insinua en moi insidieusement au cours du temps qui suivit ma séparation d’avec Schackie. Peut-être avait-elle déjà commencé du temps de notre union et sans que je n’y prenne garde, car c’est à cette époque-là que commencèrent à me venir des idées plus ou moins saugrenues qui ne concordaient pas avec ma personnalité. J’avais essayé par tous les moyens de m’intéresser à ces idéologies nouvelles qu’apportaient mes amis dans notre relation et je dois avouer que je n’ai essayé d’embrasser ces nouvelles vues existentielles, qu’afin d’être au courant de ce que discutaient mes amis et mes connaissances pour éviter de n’être qu’un partenaire silencieux à ce genre de débats ésotériques pendant nos fréquentes réunions.
   C’est ainsi que j’épluchai, sans grande conviction, les ouvrages qui traitaient de ces sujets « passionnants » dont mes amis étaient si friands et après Spartacus de James Joyce que je ne réussis pas à lire complètement, je passai au Livre des morts égyptien pour lequel je ne parvins même pas me concentrer sur les dix premières pages que j’avais beau recommencer à lire sans retenir ce que je sache ce que j’avais lu jusque-là. De guerre lasse, je l’exilai sur la plus haute planche de mon étagère et il resta là, à jamais oublié.
   Tant pis pour mon éphémère petite amie Inga W. qui m’avait conseillé cette littérature, il fallait me prenne tel que j’étais, sans ses cadavres orientaux dont les limbes satelliseraient dans les limbes, avec ou sans mon concours, autour de la Lune, une fois leur trépas consommé. Au cours des réunions, je fus confronté avec Le troisième de Lobsang Rampa, à sa Ligne Kunda, à la Voie du Yakie de la connaissance de Carlos Castaneda, au Bouddhisme zen, à la Macrobiotique d’Osaka, à la méditation transcendantale du Maharishi Mahesh Yogi, à Timothy Leary, au corps astral et un tas d’autres charlataneries qui me laissaient de marbre. 
   Mais il se passa en moi quelque chose d’indescriptible car je ne peux expliquer aujourd’hui, ce changement sans penser qu’il était dû à une perte partielle de l’intelligence, du discernement, de la mémoire, mais sans doute pas de la raison, car je continuais à gérer ma vie comme je l’avais toujours fait.
   Je ne fréquentais plus que les junkies, ces gens qui étaient aussi intoxiqués que moi, sinon davantage, car le haschich nous rendait euphoriques et tout ce à quoi nous aspirions était l’oubli de nos soucis, l’amusement, la musique, la dance et les filles. Je n’avais que l’Art plastique et la passion pour mon travail en plus qu’eux. Mais ils n’avaient pas accès à mon for intérieur, car je ne me laissais presque jamais aller à quelque confidence que ce fut, de crainte d’être cru fou.
   Je nouais aussi beaucoup de nouvelles relations que je pouvais rencontrer un peu partout dans la ville, dans les cafés, les bistrots, les discothèques, chez des amis communs ou au bord de l’eau du Tiergarten ou le lac de Grünewald. Il m’arrivait parfois d’être sujet à des hallucinations subites en pleine rue, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit et de croire fermement en des choses insensées auxquelles, sinon,  je n’accordais aucun crédit auparavant. Ce que les gens me disaient, même s’il s’agissait de choses banales parfois, me paraissait si énigmatique qu’il m’arrivait d’essayer d’en trouver, longtemps après, un sens véritable. Je commençais aussi à réfléchir à des croyances auxquelles je n’avais jamais ajouté foi antérieurement, lesquelles avaient sournoisement hanté mon esprit sans que j’y prenne garde. Le pire était que je m’enlisais dans ce nouvel état d’esprit sans me rendre compte de sa gravité et, bien que je consentis des efforts louables de juste réflexion, je ne comprenais pas que je devenais tout simplement la proie de divagations incontrôlables. Malgré tout, mon esprit était souvent habité par cette incertitude qui surgit toujours lorsqu’on est en proie à des phénomènes parapsychiques et par cette impression qu’il y a quelque chose qui ne va pas, quelque chose qui « cloche » dans toutes ces choses auxquelles l’esprit est livré malgré soi. Mon instinct de conservation veillait à ce que, pour le moins, j’oppose une certaine méfiance à toutes ces pensées déconcertantes qui accompagnent des évènements paranormaux inexplicables. 
   En ce temps-là, il se produisait un mouvement dit « Hippie », insouciant et bon-enfant qui avait vu le jour en Californie et qui s’était propagé sur toute la Planète. Comme je ne suivais jamais de mouvement, quel qu’il fut, je n’essayai pas d’en approfondir la signification que certains lui attribuaient et je me contentais de vivre au jour le jour, entre deux pipes de haschich et deux prises de LSD, entre deux fêtes et deux filles. Les drogues appauvrissent celui qui s’y adonne, mais ce que nous gagnions comme argent grâce à des petits jobs sporadiques et de courte durée, y étaient entièrement et régulièrement investi.
   Pour les « fixers », c’est-à-dire ceux qui dépendaient de l’Héroïne, la vie était beaucoup plus dure. Plusieurs de ceux que je connaissais, en dehors d’être tombés dans la misère, pérégrinaient d’une maison de santé à l’autre et il en mourait beaucoup, le plus souvent en abrégeant leur souffrance à l’aide d’une overdose ou accidentellement. Nous ne les fréquentions pas, mes amis et moi, en dehors de quelques amis intimes que nous ne voyions pas souvent. Ils étaient imprévisibles et sournois, mais c’était leur sort peu enviable que nous ne voulions pas partager. Si cette époque « psychédélique » fit beaucoup de victimes et suscita beaucoup de délinquance et de criminalité, elle contribua à l’émergence d’une nouvelle expression artistique dont je fus l’un des bénéficiaires.
   Contrairement aux artistes de mon temps, je ne produisais rien pour gagner de l’argent ou une renommée et je répondais toujours évasivement aux questions de ceux qui croisaient mon chemin lorsqu’ils s’enquerraient de mon devenir artistique. De plus, les drogues aidant, je devenais très oublieux et je ne savais que rarement au lendemain ce que j’avais fait la veille. Parfois, lorsque j’émergeai de mon sommeil quotidien, je m’amusais à garder les yeux fermés pour essayer de deviner chez qui et avec qui j’avais passé la nuit. Mais parfois, c’était chez moi que je me réveillais. De temps à autre, il m’arrivait d’avoir des trous de mémoire qu’aucun effort de souvenance ne parvenait à révéler. Comme cette nuit-là, après que j’eus abandonné mon excellente pizza à un ami, parce qu’elle m’avait apparu dégoûtante après que j’eus absorbé du LSD par inadvertance.
   Je préférais passez mon temps à fumer du haschich, de l’herbe du Congo, boire du thé de pétales de la fleur du pavot ou encore à consommer du LSDS. Ce dernier était parfois additionné d’amphétamines qui nous stimulaient et nous empêchait de nous tenir en place. Je l’appréciais beaucoup moins que celui qui n’en contenait pas parce que je préférais l’isolement à la foule et le calme à l’agitation pour mieux profiter de l’action de cette drogue hallucinogène. Chose étrange, même en me trouvant au comble de mon désarroi spirituel, j’avais du succès auprès des femmes ou, pour être plus précis, j’étais sollicité par elles alors que je n’étais pas assidu à en faire la conquête. On me traitait de play-boy, de Don Juan, de Casanova, mais, en vérité, j’avais toujours été en quête du véritable amour et, quand je ne le trouvais pas chez une femme, je le cherchais auprès d’un autre. Comme je ne le trouvai chez aucune d’elles, je finis par ne plus y croire et mes relations amoureuses devinrent une quête de plaisir charnel. Pourtant, ce fut le temps où je commençais à éprouver une certaine confusion mentale et à souffrir de troubles du comportement. Dans mes rapports avec mes semblables, j’étais, le plus souvent, sujet à des malentendus qui dégénéraient en colères soudaines et en disputes orageuses, mais parfois, à d’autres qui ne manquaient pas d’humour au point d’en devenir cocasses. Je devenais parfois irrationnel et je perdais aussi tout rapport normal avec la réalité. Je devenais maussade et critiquais, le plus souvent, le comportement de mes semblables quand il me semblait incongru, lorsque je ne semais pas, tout simplement, le trouble et la discorde chez les amis ou dans des établissements publics. Je changeais aussi d’avis avec une rapidité extraordinaire, quelle que fut la décision qu’il y avait à prendre. J’éprouvais de la difficulté à me concentrer sur un travail quelconque et une nouvelle façon de percevoir les choses visuellement provoqua en moi de l’angoisse. Souvent je me présentais à des employeurs que j’avais glanés dans les petites annonces d’un journal, pour effectuer un travail que je n’avais jamais fait auparavant et dont je n’avais aucune connaissance, dessinateur industriel, jardinier ou surveillant de machines à tricoter automatiques dans une usine de confection. En règle générale, je ne m’y attardais que pendant une heure ou deux après lesquelles je quittais ce travail, le plus simplement et purement du monde en déclarant à l’employeur que ce travail ne me convenait pas.




 
 

 
  Entrées: 79001 visiteurs Merci pour votre visite !  
 
Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement