h LSDreams - 14: Un rêve renouvelé

   
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  14: Un rêve renouvelé
 
 
Un rêve renouvelé
 
 
   Un certain soir pendant lequel je faisais un trip avec O.S., je revis un rêve que j’avais eu, il y avait une quinzaine d’années auparavant en Algérie, du temps de ce qu’on appelait jadis « les évènements », c’est-à-dire la guerre. Mon pays était alors engagé dans un conflit armé avec la France. Je n’étais jamais monté au maquis et je n’ai jamais combattu les Français ni mes compatriotes et pourtant, j’avais rêvé que j’escaladais rapidement la côte d’un flanc de montagne pour fuir deux soldats de l’Armée française qui me poursuivaient en courant derrière moi avec leurs deux chiens de berger allemands.  
   J’étais parvenu à proximité de la crête d’où je pouvais déjà voir une vallée qui était cernées par d’autres montagnes, sous mes pieds, lorsque je fus touché par deux balles d’arme à feu entre les épaules. Comme je rêvais, je ne ressentis aucune douleur mais, arrêté net dans ma course, je me comportai comme si je souffrais et, la taille cambrée par la douleur, j’essayai de poser ma main sur ma blessure par-dessus mon épaule sans y parvenir. Puis le sol se déroba sous mes pieds et je tombai, face contre terre. Devant mes yeux, l’herbe était drue et une blanche fleurette frémissait au vent léger, au bord de ce versant qui surplombait la vallée. J’entendis l’aboiement d’un chien et je tournai lentement ma tête vers l’arrière afin de le voir. Il accourait vers moi en précédant ses maîtres et, arrivé jusqu’à moi, il resta debout, à me regarder sa gueule ouverte et sa langue pendante. Bientôt les deux soldats parvinrent près de moi et s’arrêtèrent de courir en pointant leur mitraillette dans ma direction. Les canons de leurs armes étaient dirigés vers ma poitrine et ils tirèrent une rafale dont une douzaine de balles firent éclater ma chair et ensuite cassèrent les os de mes côtes et enfin, pénétrèrent dans mes poumons. Ils cessèrent le feu et jugèrent à haute voix, que j’avais eu mon compte. Puis, ils se détournèrent de moi et retournèrent sur leur chemin avec leur chien à leur suite.
   Joue contre terre, je voyais devant moi le paysage que le soleil éclairait, les monts qui entouraient la vallée, les rayons du soleil, le ciel bleu, les nuages blancs et la verdure du sol qui parvenait jusqu’à moi. A quelques pas de là, se trouvait une fleurette blanche qui frémissait au vent. Je me sentais mourir. Ma main gratta la terre. J’en serrai une poignée dans ma main et la mort me parut très facile.
   Quinze années après ce rêve, je fis donc le trip qui devait être l’un des derniers que je fis avec O.S. et, comme à l’accoutumée, nous nous étions retranchés confortablement à nos places respectives, chacun de nous livré à la drogue et porté dans une sphère différente.   
Etendu sur le matelas surélevé, je me vis courir sur le flanc de la même montagne et, lorsque je fus parvenu à proximité de son sommet, deux coups de feu éclatèrent et deux balles vinrent se ficher mon dos, entre les deux épaules.  Je portai ma main vers ma blessure sans parvenir à la toucher et je faiblis au point d’en tomber sur le sol, la face contre terre. J’avais posé ma joue sur l’un de mes bras et ma main reposait près de moi en guise de soutien, car je me sentais sur le point de mourir. Je vis le même paysage que celui d’antan et qui était fait de monts éclairés qui cernaient une vallée verdoyante, le même soleil éclatant, le même ciel bleu et les mêmes nuages blancs.     
   A quelques pas de moi, la même fleurette blanche frémissait au même vent. Un chien aboya et je le vis apparaître au pied de ce petit mont, suivi par deux soldats qui portaient des fusils. Afin de mieux les voir, je m’étais quelque peu redressé, en m’accoudant sur le sol et le chien m’approcha en aboyant vers ses maîtres. Puis il parvint tout près de moi et il resta là, à me regarder, sa gueule entrouverte et sa langue pendante. Puis les deux soldats arrivèrent en courant et s’arrêtèrent à deux ou trois pas de moi. Je tournai sur le dos pour leur faire face, alors ils dirigèrent leurs baïonnettes vers ma poitrine et, d’un commun accord, ils me poignardèrent une douzaine de fois. La pointe de leurs lames, après avoir rencontré une faible résistance de ma peau la transpercèrent et traversèrent la chair de mon thorax en brisant sur leur passage quelques os de mes côtes. Les lames étaient froides et glissaient entre les os brisés, puis leur pointe transperça mes poumons sans me causer de douleur. Les soldats cessèrent de frapper après avoir jugé que les coups étaient suffisants et ils se détournèrent pour retourner sur leur chemin avec leur chien à leur suite.
   Maintenant le sang jaillissait en jets abondants hors de mes blessures et il se répandait sur moi ainsi que sur l’herbe qui était autour de moi. Il nous avait couverts, l’herbe et moi d’une couverture rouge et la blanche fleurette en était couverte aussi. Je n’éprouvais nulle crainte et ne m’inquiétais de rien. Par-dessus la petite fleur qui n’était plus du tout blanche, je regardais les monts et la vallée, le ciel et les nuages pour la dernière fois. Ma joue collée au sol, je fouillai la terre de ma main et je songeai, en serrant une poignée de terre dans ma main, alors que je me sentais mourir :
— Ainsi, c’est ça la mort ? Eh bien, la mort est bien facile.  




 


 
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