h LSDreams - 42: Bribes 08: Le bois

   
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  42: Bribes 08: Le bois
 



08




   Un certain soir, le début de l’effet produit par le LSD me plongea brièvement dans cet épouvantable état d’esprit que, dans le jargon des drogués, on appelle l’ »horreur ».J’avais absorbé une pilule depuis un certain temps déjà et, depuis, j’étais resté assis sur le bord du divan dans l’attente que quelque chose se produise. Malheureusement, j’éprouvais des sensations corporelles et psychiques confuses et désagréables qui me donnaient presque la nausée. Mes nerfs étaient comme électrisés et se manifestaient par des sortes de vibrations qui ressemblaient à de la démangeaison. Dans la bouche, j’avais un curieux goût de métal pareil à celui que l’on éprouve lorsqu’on insère le bout de la langue entre les électrodes d’une de ces piles plates que l’on utilise pour les lampes de poche ou les radios à transistors, pour voir si elle contient encore du courant électrique. Irrité par ce qui m’arrivait, j’en fus révolté et je devins passablement agité. Très soudainement, une quelconque idée saugrenue traversa mon esprit et provoqua en moi un rire bref et nerveux, mais tout aussi soudainement et sans transition, je devins ensuite l’objet d’une mystérieuse inquiétude.
   Dépassé, je me levai d’un bond, l’esprit sur la défensive, mais aussitôt, une nouvelle idée saugrenue m’arracha un éclat de rire étonné. Ce que je pensais me paraissait être sensé et je l’approuvais tandis qu’il disparaissait sans laisser de souvenir. Enfin, j’entrepris une marche désordonnée qui consistait à faire deux ou trois pas furieux dans un sens, puis à m’arrêter brusquement, pris de colère par ce que j’endurais, ensuite à éclater de rire aussi soudainement qu’auparavant et enfin à faire deux nouveaux pas furieux ou trois dans un autre sens. Levant un peu la tête et, le menton en avant, je déclarai : je n’aime pas ça ! Car, ce que je ressentais étais si énigmatique que cela me rendait hypernerveux et le fait de ne pas me sentir bien me contrariait au plus haut point. Tout cela me semblait être produit par quelqu’un ou quelque chose d’autre que moi, qui me frustrait pour Dieu sait quelle raison. - Même ça !, m’écriai-je en élevant un bras, la paume tournée vers le haut pour indiquer une ancienne calligraphie pieuse dont les caractères dorés se détachaient d’un fond qui avait été bleu ou bien bleu-violet par le passé mais qui était devenu doré à présent tandis que les caractères d’écritures étaient devenus tout à fait verts. 
M’en approchant davantage, je proférai :
— Ce n’est pas vrai ! Je connais parfaitement cette image et je sais que les lettres sont dorées sur un fond bleu-violet ! 
Mais, malgré mon incrédulité, les couleurs n’en cessèrent pas moins d’être inversées. 
 
 
Pire ! Lorsque j’observais les lettres, je les voyais d’abord très nettement, mais elles devenaient subitement inconsistantes et ma vue s’enfonçait en elles dans un fond devenu trouble et elles redevenaient subitement nette au-delà de la surface du papier.
   Puis ma vue se régla toute seule et revint à moi depuis l’arrière-plan intérieur du papier jusqu’à ce que les lettres fussent redevenues nettes, mais, sans marquer d’arrêt, ma vue progressa en-deçà de l’image sans pourtant en atteindre la surface et les lettres redevinrent floues de nouveau. Ensuite ma vue avança, les lettres redevinrent nettes et ma vue s’enfonça dans la couleur de l’arrière-plan devenu creux jusqu’à ce que les lettres redeviennent floues encore une fois.
Ce spectacle m’éberlua pendant un bon moment en m’occasionnant du mal aux yeux et à la tête, mais, harassé,  je me ressaisis et criai :
— Ah non !  Cela suffit ! Je ne veux pas qu’on fasse cela avec moi !
Tandis que je protestais encore, ma vue glissa sur le mur auquel était fixée l’image et il me parut étrangement flou. C’était comme s’il était devenu poreux, que ses pores et ses grains s’étaient enchevêtrés de manière à produire une structure qui était creuse par endroits et qui rendait la surface du mur moins plane qu’auparavant. De plus, tout ce mur grisâtre était devenu mou et sujet à des ondulations spongieuses telles que je craignis de voir mon bras s’y enfoncer pour peu que je le touche.
Mais, étant aguerri par l’expérience, cela ne m’effraya pas outre-mesure et je m’en détournai tout simplement pour aller reprendre ma place sur le bord du divan. 
Incidemment, mon regard s’arrêta sur le bois sombre dont était  faite la bibliothèque paternelle. J’en remarquai le dessin de ses nervures, mais cela ne me sembla pas digne d’intérêt. M’en détournant nonchalamment, je pensai avec dérision:
— Ce n’est jamais que du bois.
A ce moment, je fus agrippé par les revers du col de ma veste et attiré vers le haut au point que cela me mit debout, mais cela ne s’arrêta pas là, car je fus pratiquement attiré vers le haut si longtemps que mon corps et mon esprit s’allongèrent jusqu’au-delà des étoiles du notre ciel nocturne.
— On dirait le Jour du Jugement dernier, pensai-je,
car le doute n’était plus permis, c’était Dieu qui me saisissait ainsi pour avoir dénigré ce qu’Il avait créé.
Plus mort que vif, je tournai humblement mon regard vers le bois de la bibliothèque et avouai craintivement :
— Assurément, c’est mon seigneur Dieu Qui a créé l’arbre dont est issu ce bois et les rayures claires qui parcourent sa surface ne sont pas des traces extérieures mais les fibres de cet arbre qui sont situées à l’intérieur de son bois.
Le terrible silence total dans lequel s’était passé cet évènement persista au point que j’en compris un « Ah bon ! « divin, parce que sinon…, me disais-je, quelle aurait pu être la punition de ce vilain sacrilège ?
 
 
Puis je fus rapetissé et je recouvris la dimension réelle que j’avais sur le bord du divan.


 
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