L’examen de conscience
Quelques temps plus tard, durant une nuit d’expérimentation, il m’arriva de faire un examen de conscience inattendu auquel m’avaient conduit une série de pensées préalables qui m’avaient été dictées par ma conscience.
Jusqu’alors, je m’étais considéré comme étant un homme raisonnable qui souhaitait plus de bien que de mal à ses semblables. Selon moi, j’étais quelqu’un « comme il faut » qui était confronté aux vicissitudes de la vie contre lesquelles je me défendais légitimement. J’étais honnête et sincère, doux et patient et ne nourrissais pour mes semblables que des bonnes intentions. Ma vie était faite, selon mon jugement de la bonté divine, d’autant de bonheur que de malheur, partagés équitablement par Dieu sur la balance et Dieu est plus savant.
De tous les conflits dont j’étais sorti, la plupart du temps, vainqueur, je découvrais toujours une raison qui plaidait en ma faveur. Je ne faisais pas de mal à personne, car, si quelqu’un avait dû être malheureux à cause de moi, c’était à lui qu’en incombait la faute.Quant à moi, j’avais raison.
Je me connaissais beaucoup de qualités et très peu de défauts. Cependant, je fus amené à entreprendre un examen de conscience qui me fit découvrir que je m’étais toujours jugé moi-même avec beaucoup de générosité et de compréhension et que j’avais jugé mes semblables plus sévèrement. Mais cet examen de conscience prit une ampleur inexorable. Me souvenant des actes que j’avais commis par le passé, je les considérai de manière plus impartiale et plus juste.
J’avais bien reconnu que tous les gens sont semblables en tout point de vue et qu’ils avaient tous été créés comme une seule personne, qu’ils étaient exactement pareils. Il m’apparut alors clairement que j’étais moi-même jugé comme je les jugeais. Quelle que soit la manière dont j’aie considéré certains, ils me considéraient de la même façon et tous les épithètes que j’aie pu leur attribuer, ils me les ont attribués pareillement. Les gens me voyaient comme je les voyais et pensaient de moi ce je pensais d’eux.
Je me mesurai à présent à l’aune de mes semblables et je me décrivis alors comme je les décrivais moi-même. J’aurais pu être n’importe qui, tant ce qui s’applique à l’un peut s’appliquer à l’autre. Alors, je me jugeai comme l’aurait fait quelqu’un d’autre duquel je n’eus pu dire que ce que je disais de moi. Le résultat fut terrible. Je compris soudain pourquoi certains ne m’aimaient pas, au point de ne plus pouvoir m’aimer moi-même. Ma déception et mon chagrin furent si grands que mon âme sombra dans une tristesse et un désespoir infinis. J’eus l’impression de chuter lentement dans un profond abîme en me croyant mourir d’une mort qui me laissait indifférent.
Mais ma chute cessa soudainement et je me sentis remonter vers le haut avec douceur en même temps que ma conscience se réveillait. Au même moment, je ressentis un faible tiraillement dans ma poitrine, derrière le plexus solaire, presqu’un chatouillement, comme si une ligne lumineuse avait pénétré d’en haut dans ma tête et se terminait en crochet à la hauteur du sternum. J’étais semblable à un poisson que l’on remonterait du fond de l’océan. Je reconnus cette œuvre comme étant celle de Dieu et, éclatant d’un rire joyeux de contentement, je Lui dis :
– Toi, Seigneur !
Je ressentis un acquiescement muet dans mon âme qui acquiesça également.
– Toi, Seigneur ! Quand personne ne m’aime et que je ne m’aime plus moi-même, Toi, Tu m’aimes ! Toi seul en es capable !
De nouveau, le même acquiescement bénéfique se reproduisit.
– Oui Seigneur, Tu en es capable parce que Tu es tout-puissant.
Un dernier acquiescement me répondit avant de disparaître, en me rendant à la réalité que j’appréhendais de meilleure façon, maintenant.
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