h LSDreams - 32: Ondine et la matrone

   
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  32: Ondine et la matrone
 

Ondine et la matrone



   En ce temps-là, je fis quelques trips étranges, pour certains desquels, je n’ai gardé qu’un souvenir partiel, à cause de quelque chose de particulier, de surprenant ou encore de frappant qui y était survenu. J’étais insouciant, je me promenais souvent à travers la ville ou bien je me rendais en bordure de la mer où je passais une grande partie de la journée à pêcher ou à observer les plaisanciers et les crabes qui étaient restés prisonniers dans des petites flaques d’eau que la mer avait laissées entre les rochers après s’être retirée .Chez moi, j’écoutais toujours de la musique. Je trouvais encore le temps d’être assidu dans mes prières, quand je ne m’adonnais pas au commerce de vieilleries que je vendais à des brocanteurs et, de temps à autre, je leur restaurais des tableaux ou réparais une figurine de plâtre à laquelle il manquait des morceaux.
   Naturellement, je ne manquais jamais de m’offrir un trip après avoir observé le délai approprié pour qu’il soit satisfaisant. Donc, un soir après minuit, lorsque tous les membres de ma famille eurent regagné leur chambre pour dormir, je fus dans la mienne que  j’avais auparavant bien nettoyée et mise en ordre, pour y prendre une dose de LSD.
   Avant les premiers prémices de son effet, je m’étais à-demi allongé sur mon divan et songeai à Dieu sait quoi. Arriva un moment où je perçus une tache sombre qui sortait de dessous la porte et qui
pénétrait à ras du sol de la chambre en développant constamment sa taille.
   Après un petit moment d’observation, je parvins à comprendre que c’était un liquide que je voyais là et je sursautai en m’écriant :
— Mais…c’est une inondation ! 
Me levant brusquement, je me précipitai hors de la chambre pour tomber nez à nez avec ce qui me parut être l’horreur en personne. A ma droite, la porte du cabinet de toilette éclairé, mon neveu vidait placidement un seau d’eau dans le siège qui débordait et dont l’eau excédante avait inondé le couloir et envahi ma chambre.
— Mais…arrête !, ne vois-tu pas que le siège déborde ?, lui criai-je.
— Regarde la cochonnerie que tu es en train de faire !
Il sursauta au son de ma voix, puis regarda bêtement l’eau déborder et enfin, alors seulement, il cessa d’en verser. Effarouché, il me regarda sans rien dire et  je hurlai :
— Espèce d’âne bâté, regarde ce que tu as fait !
De la main, je lui montrai l’eau qui coulait vers ma chambre. Ah, mon trip était perdu ! Ah, quel malheur !
Quel horreur ! Moi qui voulais en jouir pleinement,
me voilà l’objet d’une catastrophe.
L’eau coulait encore un peu hors du siège et je me demandai pourquoi cet idiot-là avait continué à verser de l’eau, qu’avait-il donc espéré ?
Que, contre toute attente, elle ne déborderait pas ?
Cette suite de pensées aberrantes me rendit furieux au point que, me tournant vers lui, je lui hurlai des ordres dignes d’un sergent d’armée furibard.
— Espèce de bourricot ! Tête de mule ! Vas chercher une serpillère ! Enlève cette saleté et essore le torchon dans un seau ! Allez ! Dépêche-toi ! Maintenant, essuie ! Qu’est-ce que tu attends ? Plus vite que ça ! L’eau emplit ma pièce déjà ! Tu vas nettoyer ici et le couloir et ma chambre aussi et pas rien qu’une fois, trois fois, tu as compris ?, jusqu’à ce qu’elle redevienne propre comme elle l’était !
Puis je retournai en trombe dans ma chambre pour inspecter les draps et la couverture que je soupçonnais de toucher le sol : trop tard, ils étaient déjà imbibés d’eau. J’arrachai le tout en l’empoignant par le milieu et l’emportai dans la salle de bain où je le jetai dans la baignoire. Au passage, je remarquai que mon neveu, qui n’avait pas l’habitude de nettoyer le sol, se prenait de façon très maladroite pour éponger la nappe d’eau, mais je retournai précipitamment dans la chambre pour mettre à l’abri de l’eau ce qui devait encore l’être, mais heureusement, il n’y avait rien d’autre à sauver.
Je ressortis pour voir où en était mon neveu. Effrayé, il était accroupi et essorait le chiffon si maladroitement que je ne fus pas sans remarquer la raideur de ses mains dont les phalanges proximales se trouvaient dans le prolongement exact du métacarpe, à la manière du chimpanzé lorsqu’il s’appuie sur le sol pour marcher.
Il a des mains de singe, pensai-je, éberlué. Pas étonnant, avec des mains pareilles, il était incapable d’essorer le chiffon convenablement.
Impatienté, je lui dis :
-- Donne ici ! Tu ne sais même pas nettoyer. Va-t’en ! 
Je lui arrachai tout l’attirail de nettoyage de ses mains et, rapide comme l’éclair, je me mis en devoir de nettoyer moi-même. J’étais très irrité à l’idée d’être privé de mon trip de si fâcheuse manière, car, il ne faisait aucun doute que, sous le coup de cette excitation, la drogue avait perdu son effet.
D’humeur massacrante, je nettoyai et ré-nettoyai et ré-nettoyai encore et encore, en utilisant du détergeant, le couloir et toute la chambre, en insérant le torchon sous la bibliothèque - dont les huit pieds étaient des boules de bois, hautes de cinq centimètres seulement et tous les recoins de la chambre.
   La pièce était déjà propre, mais je m’y repris une quatrième et enfin une cinquième et dernière fois avant d’être satisfait de sa nouvelle propreté.
J’avais été si méticuleux dans ce nettoyage que le carrelage était devenu plus propre et plus brillant
qu’il ne l’avait jamais été auparavant.
   Enfin, satisfait par sa rutilance, je restai debout, en tenant le manche de la serpillère comme on tient un bâton de pèlerin, à contempler le carrelage pendant quelques instants.
Soudain, je vis avec stupéfaction que mon corps s’était transformé et, dérouté par cette subite vision, je ne fus pas capable d’assimiler ni de comprendre ce que je voyais tant cela dépassait mon entendement. Hébété, la bouche entrouverte, je constatais que j’avais soudain un corps de femme. Abasourdi, j’avais un vue plongeante dans un corsage assez généreusement échancré dans lequel je voyais la naissance d’une superbe poitrine blanche. Plus bas, le corps joliment fait, était habillé d’une robe à fleurs jusqu’en bas des genoux, au-delà desquels je pus admirer une paire de belles jambes aux mollets bien galbés et, enfin, deux mignons petits pieds enfoncés dans des chaussures noires à haut talon.
Maintenant, la stupéfaction avait fait place à une
forte surprise qui me fit légèrement secouer la tête. Ce mouvement fit avancer une chevelure blonde qui oscilla de part et d’autre de mon visage. Je reconnus que j’étais dans le corps de Traudel T., de par son apparence aussi bien que par l’odeur de sa peau et je me souviens que j’avais adoré ses (ces) seins que j’aimais embrasser et entre lesquels il m’arrivait d’enfouir mon visage.
   A ce souvenir, je fus pris de désir pour ce corps que je voyais. Mais, subitement choqué par l’absurdité d’une telle situation, je recouvris brutalement mes esprits et, saisi d’une forte colère, je laissai tomber le bâton et me ruai hors de la chambre avec la ferme intention de rosser mon neveu.
Revenant de la salle de bains où il avait dû se laver les mains, il traversait justement le hall d’entrée et je le houspillai à tue-tête :
— Sale merdeux ! Bourrique ! Tu n’es même pas capable de verser un seau d’eau ! Aveugle ! N’as-tu pas vu que ça débordait ? Qu’est-ce que tu as ?
Tu es fou ou quoi ?!
Tandis que je hurlais en avançant vers lui, les poings serrés, je le vis faire le dos rond, accablé, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, la tête entre les épaules  et craignant de recevoir des coups, au point que je fus pris de pitié pour lui.
Ma colère tomba aussi subitement qu’elle avait éclaté.
D’un ton plus doux, je le morigénai en le ménageant :
— Ben quoi ?, lui-dis-je, dormais-tu debout ?
Mais il n’avait pas l’air rassuré du tout et il restait là, à me regarder avec des grands yeux effrayés. 
J’adoucis le ton de ma voix davantage pour le tranquilliser:
— Mais enfin, tout de même, on n’a pas idée. Verser encore de l’eau alors que ça déborde…
   Mais à présent, avec effroi et consternation, je me vis transformé une seconde fois, en matrone épaisse, à poitrine volumineuse qui tombait sur un ventre proéminent, dans une robe informe à la propreté douteuse et un chignon noir sur le sommet du crâne.
— AAhh !, criai-je d’horreur et craignant de le massacrer dans la fureur qui s’était emparée de moi, je me mis à vociférer :
-- Fous-le camp ! Sale bourriquot ! Idiot ! Imbécile ! Crétin ! Va-t’en sur le champ, te dis-je !
Terrifié Il sursauta et s’enfuit dans sa chambre en fermant rapidement la porte derrière lui.
   Abattu, je retournai lentement dans ma chambre. Assurément, elle était vraiment très propre et, morose, je m’étendis à demi sur mon matelas dénudé. Je crois que c’est ce soir-là qu’un comble me fut ajouté. D’abord, un gros cafard surgit de derrière la bibliothèque et se précipita sur mon magnétophone. Quoique j’aie l’habitude des cafards, celui-là me parut horrible. Il tenait de l’araignée par ses pattes antérieures et de la sauterelle par ses pattes postérieures, lesquelles étaient affublées d'une sorte d’épines jaunâtres qui me dégoutèrent au plus haut point. D’habitude, je les écrasai sans sourciller d’un coup de savate, mais ce soir-là, je réagis autrement, en reculant de dégoût et en lui disant :
— Houch, éloigne-toi, pch, pch !
   Le bougre s’éloigna enfin et, maussade, je posai
ma joue sur le bord du matelas, les yeux perdus sur le carrelage. Ses carreaux étaient faits d’un gris clair qui était parsemé de granulés blancs, bruns et noirs dont l’ensemble était d’un assez bel effet.
Soudain, une bonne douzaine de ces points noirs se déplacèrent en même temps, de quelques peu de centimètres, puis ils s’arrêtèrent brusquement, tous ensemble pour se confondre avec le reste des granulés.
Perplexe, j’inspectai les petits points noirs sans pouvoir les distinguer les uns des autres. Un court
instant plus tard, les points noirs se déplacèrent de nouveau tous en même temps et s’arrêtèrent tous, au même moment, quelques centimètres plus loin.
Me croyant victime d’une hallucination, je pensai :
— Mais ce n’est pas possible, voyons !
Allongeant mon cou, j’avançai ma tête plus en avant du lit pour mieux scruter les points du carrelage.
A ma stupéfaction, ils reprirent leur manège sans que je pusse discerner ce que cela pouvait bien être. Curieux, j’approchai ma tête jusqu’à quelques centimètres du sol et inspectai tous les points noirs. Cette fois-ci, j’eus de la chance. Lorsqu’ils bougèrent tous en même temps, comme à un commandement et qu’ils s’arrêtèrent tous comme s’ils obéissaient à un ordre, je les avais reconnus : c’étaient de minuscules petits cafards
qui se déplaçaient prudemment par saccades et en s’arrêtant brusquement pour se confondre avec les
points noirs du carrelage.
   Déçu, je m’allongeai de nouveau sur ma couche et ce n’est qu’alors et enfin, que le trip entama son effet habituel. 
Malheureusement, comme j’ai dû faire ce trip en étant allongé et en ayant les yeux clos, il ne m’en reste aujourd’hui plus aucun souvenir.
 



 
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