h LSDreams - 02: Les diamants de la Mescaline

   
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  02: Les diamants de la
Mescaline
 

Les diamants
de la Mescaline

 
   Depuis cette première (demi)-expérimentation avec le  LSD jusqu’à nos jours, j’en ai tellement fait d’autres qu’il ne m’est pas possible de me rappeler d’elles toutes. Il en est même dont il m’est impossible de me souvenir et il en est d’autres encore que je n’ai que partiellement gardées en mémoire.
   Quelques temps après ma première connaissance avec le LSD, j’eus l’occasion de faire une nouvelle expérimentation bien dosée dans cette même maisonnette et avec les mêmes amis, dont B.L. Ce dernier avait apporté avec lui des pilules de Mescaline qui ressemblaient à des cachets d’aspirine et qu’il nommait Peppermints. Nous nous installâmes autour d’une table basse dans la cuisine et, après avoir fumé du haschich en sirotant un verre de thé, nous allâmes dans la grande pièce, sur le bord de l’estrade, S.T., M.L. et moi.
   M.L. avait disparu et son absence, à peine remarquée, fut vite oubliée. Je crois qu’il s’était retiré à l’étage de la maisonnette, dans une chambre en mansarde qu’habitait M.L.,
car c’est là que je le retrouvai un peu avant l’aube du lendemain. Mais cette nuit-là, la Mescaline avait rapidement fait son effet, si bien que le me trouvai, sans presque de transition plongé dans l’observation de mes deux amis qui regardaient farouchement devant eux en silence. Ils étaient éclairés par l’éclat amplifié de deux grosses bougies qui trônaient au sommet en forme de calice feuillu de deux grands candélabres de fer forgé qui étaient disposés de part et d’autre près du bord de l’estrade.
 
   Mes deux amis, tous deux blonds, étaient pâles et ils ressortaient, par contraste, fortement du fond de la pièce sombre dont l’espace paraissait être fait de teintes veloutées. Ils avaient l’air fortement préoccupé par quelque étrange pensée qui concernait visiblement leur environnement immédiat. M.L. regardait dubitativement dans le vide en semblant considérer une situation dans laquelle il guettait une faille qui prouverait que ce qu’il voyait n’était pas réel. Cela venait, sans aucun doute, de ce que la Mescaline avait transformé cette pièce ainsi que ses objets et ses couleurs en quelque chose de plus étrange et de plus intensément lumineux.
   S.T., lui, avait l’air d’un homme affamé et il dardait, lui aussi, un regard intrigué, mais dur et courroucé sur l’environnement qui était en train de le dérouter par son changement inattendu.
   Je découvris dans leur regard un second regard qui, lui, était tourné vers l’intérieur de leur être et je compris soudain qu’ils étaient sous l’effet de la drogue et qu’ils voyaient, en même temps qu’ils observaient la pièce, en eux-mêmes simultanément.
   Alors, je me détournai d’eux et je constatai que l’environnement avait changé autour de moi. La lumière et les ombres étaient devenues plus belles et plus magnifiquement colorées qu’auparavant et leur présence gagna de l’importance indubitablement dans mon esprit. Mon regard se porta alors sur l’un des chandeliers dans la corolle duquel une grosse et grande bougie paraissait translucide et envahie par l’éclat surnaturel de la lumière de sa flamme qui s’épandait en irradiant tout l’espace de la chambre. Elle semblait, maintenant être faite d’une toute autre matière que la cire, une matière inconnue qui aurait pu être celle d’une pierre
précieuse ou encore de l’albâtre ou autre préciosité encore. Les surfaces intérieures des tiges qui ornaient la corolle du bougeoir en forme de fleur, avaient l’éclat flamboyant de l’or pur et les parois latérales qui étaient un peu moins éclairées par la flamme, semblaient faites d’un argent clair dont l’éclat virait à un ton bleuâtre. Quant aux parois extérieures, leur couleur était devenue pareille à celle de la calcédoine dont les teintes viraient à un brun rougeâtre qui se muait en tons plus sombres dont il ne me fut pas possible d’en nommer la chatoyante couleur.

 
   Reportant mon regard sur la surface intérieure des parois latérales de la corolle du bougeoir, je ne pus retenir une exclamation d’étonnement émerveillé : C’est de l’or ! Ma voix avait explosé comme une détonation dans le silence et je me tournai brusquement vers mes amis qui étaient figés dans la même posture qu’antérieurement. Ils tournèrent simultanément leur regard absent, comme s’ils avaient étés arrachés hors d’un rêve étrange, Ils me regardèrent tous deux d’un air à peine attentif et sur les bougeoirs que je leur indiquais de la main en disant : — C’est de l’or ! Je compris qu’ils n’avaient pas vu ce que je venais de voir et je vis qu’ils ne pouvaient se concentrer sur moi qu’à grand peine et enfin qu’ils ne comprenaient pas ce que je leur voulais. Ils m’accordèrent un dernier regard quelque peu intrigué et, ennuyés d’avoir étés dérangés inutilement dans ce à quoi ils accordaient une attention soutenue, ils se détournèrent de moi pour replonger dans ce qu’ils n’avaient quitté qu’à regret. Quelque peu décontenancé, je pensai qu’ils n’étaient pas en état de comprendre et, me retournant vers les bougeoirs, je répétai d’un air convaincu mais las : — Mais c’est de l’or ! Un instant plus tard, je me mis à regarder devant moi, vers les deux fenêtres et le radiateur de chauffage au gaz, dont la présence, maintenant incongrue, avaient acquis des plus belles couleurs, des reflets plus intenses et des ombres plus colorées. La plaque brillante du radiateur, teinte d’un bleu sombre étincelant de petits reflets, ressemblait à un ciel nocturne dans lequel la flamme du gaz qui brûlait derrière son hublot, faisait ressembler cette ouverture à un gigantesque astre roux.  


 
   Je dus faire un effort pour rétablir la réalité dans mon esprit et reconsidérer ces objets tels qu’ils étaient vraiment. Apaisé par ce bref retour aux normes habituelles, je laissai mon regard errer sereinement vers le mur de droite dans lequel était pratiquée l’entrée arquée de la chambre. Ce mur était étonnamment bien éclairé par les bougies sur toute sa surface, puis, cette surface fut prise d’un frisson qui se transforma imperceptiblement en courtes vagues horizontales qui ondoyaient en glissant vers le sol à la manière d’une eau suintante. Puis, une multitude de scintillements, semblables à ceux d’un nombre incalculable de splendides étoiles, resplendissantes d’un feu chatoyant et intermittent, constelle toute la surface de cette onde. Une transparence apparut autour de ces scintillements qui les isola les uns des autres, pour les transformer en une multitude de diamants qui ruisselaient en rangs serrés en un flot intarissable qui surgissait hors du coin du plafond et s’écoulait jusqu’à son fondement. De nouveau, une exclamation m’échappa qui retentit dans le silence de la chambre : — Regardez ! Des diamants !
Mes amis tournèrent en même temps la tête vers moi et me regardèrent en essayant de se concentrer sur ma personne, puis ils portèrent ensemble leur regard vers le mur que je leur indiquais de la main, mais ils semblèrent ne rien voir ni ne rien comprendre. Ensuite, ils me regardèrent brièvement une nouvelle fois et enfin ils se détournèrent en même temps de moi pour retourner à ce qui retenait leur attention.
 
 
   Parfois, il peut arriver que l’on soit partiellement frappé d’amnésie pour tout ce qui a trait à une période qui s’est écoulée entre un certain moment de l’expérimentation à un autre qui ne survient que plus tard au cours de cette même expérimentation. Cela peut aller de quelques heures seulement jusqu’à l’oubli total et il estensuite impossible de de se remémorer ce qui a pu se passer en ce laps de temps.
   Cela m’arriva cette nuit-là et je suppose que j’ai dû m’étendre en fermant les yeux pour laisser mon esprit être ravi par les visions colorées qui se produisent en règle générale et en pareil cas. Quoiqu’il en soit, je ne repris conscience de la réalité, si j’ose dire, qu’étalé sur le dos dans une pièce silencieuse et déserte, plongée dans une pénombre grisâtre.
   Les bougies s‘étaient consumées, mes amis avaient disparus, la maison était silencieuse et une faible clarté, venant de l’extérieur, jetait sur l’intérieur un semblant de clarté blafarde. J’étais conscient que je venais d’émerger de l’enchantement d’une période de visions colorées. Ces visions merveilleuses étaient une suite infinie d’images rutilantes aux couleurs chamarrées, magnifiquement irisées, comme l’éclat du diamant, superbement nuancées et des représentations lisérées d’or et d’argent.
   Par exemple, une de ces apparitions était faite d’un vaste ciel qui prenait en dégradé toutes les teintes de la plus belle des couleurs bleues afin d’approfondir majestueusement son insaisissable grandeur et dans lequel des myriades d’images superposées dont l’infinité parvenaient à occulter sporadiquement ce vaste ciel qui n’apparaissait alors plus que morcelé à travers des milliers de fentes en forme d‘étoiles octogonales dont les branches étaient faites de bandes vertes comme l’émeraude et lisérées d’or. Ces ornementations mouvantes avaient le ciel pour seul support dans lequel elles défilaient somptueusement en se succédant sans cesse vers l’observateur et en s’agrandissant au fur et à mesure qu’elles s’approchaient de lui, jusqu’à ce que leur épargne centrale disparaisse en s’agrandissant devant l’observateur et en révélant derrière elle l’étoile suivante qui en faisait de même et après celle-là, toutes les autres étoiles qui la suivaient volaient pareillement pour répéter ce mouvement qui ne cessa pas d’être renouvelé à l’infini.




   Je me redressais donc dans la pénombre en pensant, devant ce profond silence, que mes amis devaient s’être retirés quelque part dans la maison, mais mon regard tomba sur la tranche de l’une des deux minces cloisons qui bordaient l’alcôve de l’estrade. Quelque chose en elles m’intrigua, car je savais que la pièce était peinte uniformément en blanc, lais la couleur de cette tranche me parut étonnamment sombre et brune ou violette.     C’était parce que elle se trouvait peut-être à l’ombre de cette lueur de fin de nuit, mais quelque chose d’indéfinissable au premier abord y attachait mystérieusement mon regard. Enfin, je distinguai une sorte de fine structure quadrillée qui recouvrait toute sa surface, puis, au centre de chaque maille de cette structure, il y avait quelque chose que je ne reconnus pas sur-le-champ. Ce quelque chose apparaissait comme un point de clarté laiteuse, puis celle-ci devint brillante en son centre et ensuite, un éclat jaillit d’elle et des rayons faiblement lumineux se révélèrent en luisant discrètement. A ma grande stupéfaction, je distinguai à présent que ces surfaces étaient recouvertes de diamants qui luisaient faiblement dans cette clarté blafarde de l’aurore.
   Je me levai de l’estrade comme si j’étais hypnotisé et en m’étonnant du moment et du silence de la maison qui était plongée dans une sorte de grisaille. Maintenant, au fur et à mesure que je me dirigeais vers le couloir, mon regard parcourait les murs qui étaient tous recouverts d’une foison de diamants. Nulle envie de possession de ces richesses n’effleura mon esprit. J’admirais avec ravissement leur nombre infini et le rayonnement de leur beauté et, si elles viendraient à disparaître, je n’en regretterais que leur magnifique splendeur.
   Longeant le petit couloir qui menait à la cuisine, je ne pouvais pas détacher mon regard des murs, ni de l’embrasure de la porte des toilettes, ni celle de l’entrée de la cuisine. B.L. se tenait debout au milieu de ce couloir en ayant un air embarrassé et indécis. Je lui dis quelques mots en même temps que je regardais l’encadrement de l’une des portes en levant ma main, je lui indiquai le mur de l’index. Il regarda comme à regret l’endroit indiqué sans avoir l’air de comprendre parce que son esprit était visiblement ailleurs.
   Ensuite je le perdis de vue et, l’ordinaire escalier de bois qui menait à l’étage attira mon attention parce qu’il semblait présenter des sortes de moulures que je n’avais jamais vues auparavant. Je les inspectai avec beaucoup d’attention ainsi que les murs diamantés tout en montant vers le palier. Montant lentement sur chaque marche, je finis par reconnaitre que les moulures n’étaient que des ombres imprécises qui recouvraient, çà et là, les surfaces du mur. Arrivé à l’étage, je fus surpris d’y rencontrer une nouvelle fois contre B.L. qui avait gardé son air effaré et songeur et que j’avais entretemps oublié. Il semblait cogiter un dilemme dont il essayait vainement d’en élucider le mystère. 
   Il est vrai que la drogue hallucinogène plonge l’expérimentateur dans une sorte d’état second et fait de lui un spectateur d’évènements psychiques inconnus qui accapare tout son être et son attention si solidement qu’il en est obnubilé au point d’être semblable à un être anesthésié et confiant.
   J’avais reporté mon regard sur le mur pour revoir les diamants en disant, l’air surpris, quelque chose comme :   — Ah, c’est toi !?
Puis je me tournai à demi et,  levant mon bras pour lui indiquer le mur, je lui demandai :
— Est-ce que tu les vois ?
Il me regarda d’un air effaré sans comprendre, puis il essaya de saisir le sens de cette situation, puis il fronça les sourcils d’un air concentré, comme s’il cherchait dans sa mémoire dont il sembla enfin se souvenir et demanda :
     Quoi ?
Embarrassé, je me tournai vers le mur en comprenant qu’il ne les voyait sans doute pas, je pointai mon doigt vers les diamants parce que je lui devais une réponse, mais cela m’ennuya d’en discuter plus avant parce que je le crus rendu à son état normal alors qu’il n’en était rien et qu’il éprouvait d’énormes difficultés à quitter ce qu’il vivait pour se concentrer sur mes paroles. Pire encore, il ne put pas réagir spontanément et devait d’abord identifier cette nouvelle situation qui le détournait de ce qu’il était en train de percevoir d’autre, que lui seul pouvait connaître et ensuite comprendre le sens de mes paroles et enfin opérer un retour difficile à sa mémoire habituelle afin d’y puiser une réponse adéquate.
 — Les diamants, répétai-je sans conviction.
Il leva ses yeux vers l’endroit que je lui indiquais en s’efforçant de comprendre ce qu’il était censé saisir.
— Ah, pensai-je alors, il a compris.
Mais non, il m’avait de nouveau regardé, l’air absent, pour comme s’il retournait à ses pensées antérieures, Si, il avait compris parce qu’il avait légèrement secoué sa tête, mais non, il se détourna à nouveau de moi, en recouvrant son air absent.
   S.T. parut soudain brièvement, comme s’il surgissait de nulle part et, s’arrêtant près de nous, il nous regarda distraitement, dans la posture du maître du céans et comme s’il s’attendait à assister à une situation intéressante. Il tenta alors d’apporter sa contribution à cet interlude mais ne put que proférer un « hon ?! », duquel rassortissait un doute sur l’utilité de cette amorce de conversation et en comprenant immédiatement que c’était peine perdue.
   La drogue ne permettant pas de converser, nous dûmes nous séparer en allant chacun dans une direction différente, sauf B.L. qui ne bouge pas de sa place. Je pénétrai dans une chambre minuscule à toit incliné dont la porte était ouverte sur le palier et je m’assis en tailleur devant une petite fenêtre qui était pratiquée à fleur de sol. De là, je pus contempler une petite arrière-cour voisine qui était absolument déserte. N’y voyant rien de particulier, ressortis et redescendis l’escalier en voyant qu’il commençait à faire jour dehors et, enfin, sans transition, je sortis de la maison en pendant rentrer chez moi. Je n’ai gardé aucun souvenir de mon chemin de retour jusqu’au moment me réveiller dans mon lit qu’éclairait un soleil éclatant, tard dans la matinée de ce jour-là.    


 
 
 


 
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