h LSDreams - 31: Le Néant et l'Univers

   
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  31: Le Néant et l'Univers
 


 
   A cette époque-là, j’avais contracté l’habitude faire au moins une expérimentation par semaine. Il m’arriva aussi de reprendre une do- se de LSD peu de temps après la précédente, soit le jour-même ou soit le lendemain ou encore le surlendemain, mais, cela ne produisait pas l’effet escompté. Il fallut donc que je n’en reprenne qu’après que trois jours d’inter- valle se furent écoulés pour que la drogue opère son effet pleinement.
   Avant de poursuivre la narration de cette
merveilleuse expérience, je dois d’abord dire que, de longues années auparavant, je m’en étais fait une idée erronée à la lecture nullement descriptive qu’en fit Aldous Huxley dans ses « Portes de la perception » et à celle du groupe de Rock, les Beatles dans la chanson qui s’intitulait « Across the Universe ».
   Pour Aldous Huxley qui n’en dit pas plus qu’il avait observé la Création au fond d’un calice de fleur, j’avais cru qu’il faisait allusion à quelque chose de semblable aux couleurs dansantes que j’avais vues dans un trou de clou sur le mur qui se trouvait devant la porte de chez un ami, Oswald S., dont j’ai déjà parlé dans l’épilogue du récit précédent intitulé « L’arbre qui parle ». Ensuite, cela me fit penser à la chute que je fis dans le calice d’une fleur -- que j’ai mentionnée dans « Le dernier réveillon » -- de laquelle je ne ressortis que quelques années plus tard à Oran, après avoir fait le voyage à travers un grand nombre d’Univers que je relate maintenant. Tandis que pour la chanson des Beatles, j’avais pensé au voyage nocturne que j’a- vais fait dans l’Espace en pénétrant dans deux planètes qui se contenaient l’une l’autre et au centre desquelles je vis le Peyotl pour la première fois de ma vie, (« Introcosmos »).
   Quoiqu’il en soit, il me semble vraisemblable qu’aussi bien Aldous Huxley que John Lennon avaient fait ce voyage bien longtemps avant moi, car il est possible que des personnes différentes voient la même chose sous l’effet du LSD. Mais si John Lennon en est reconnaissant à son gourou indien, moi, je considère que c’est Dieu qui en est l’auteur. En cela, je me situe plus proche de l’avis des curanderos mexicains qui l’utilisent à des fins divinatoires et qui affirment que Dieu nous y parle. Mais ils font sans doute allusion à leur Dieu Quetzalcóatl, tandis que, et en ce qui me concerne, je crois ferme- ment que c’est notre Créateur Qui parle.
  Une nuit, tandis que j’étais étendu éveillé sur mon divan, mon esprit s’envola dans un ciel in- connu. Je flottais à présent dans un espace nocturne très beau qu’irisaient des couleurs douces. Elles irradiaient partout dans tous les tons de la couleur bleue. Puis l’Eternel fut là et Il me considéra. Je ne le vis pas, mais je sus sans en douter un seul instant, qu’Il était là et qu’Il s’occupait de moi. Il me fit voler aussitôt dans l’Espace, celui que nous croyons infini mais qui ne l’est pas, entre des grandes perles qui étaient des planètes lisses aux couleurs chatoyantes. Elles volaient en rangs serrés, telles des perles enfilées en s’ajoutant à d’autres rangs de semblables perles qui surgissaient autour des premières et toutes, elles convolaient à l’unisson, puis elles s’enroulaient les unes autour des autres et se multiplièrent tant et si bien qu’elles formèrent une sorte de corde dont les brins étaient torsadés.
   Je volais en même temps dans l’axe médian de cette multiple chaîne de planètes de telle manière qu’il me sembla me trouver en suspens au milieu d’elles et ces rangs de perles filaient rapidement en se multipliant et en se rapprochant les unes près des autres. Leurs rangs tournoyaient en s’enroulant les uns au- tour des autres comme s’ils étaient les brins d’une corde qui se serrerait.
Les distances qui les séparaient toutes s’amincissaient sensiblement. Je volais toujours en me rapetissant, si bien que ces étroits espacements paraissaient s’agrandir à mon approche et des files nouvelles venaient s’y insérer. Cet évènement persista si longtemps que, mon esprit fortifié, je clamai dans la nuit :
— Seigneur ! Il me semble que tout ce mouvement pourrait continuer ainsi pendant toute l’Eternité !  
Comme si Dieu n’attendait que cette réaction de moi, je cessai subitement de voler au sein de cette corde qui paraissait être tendue à l’in- fini et je fus porté d’un seul coup jusqu’à l’endroit où elle débouchait, dans une sphère creuse que n’entourait nulle cloison solide. J’eus alors l’intuition que je voyais le Néant de- vant moi. Je pensai :
— Il est vide !


   Mais soudain, j’y distinguai un foisonnement de petits points bleutés qui se comportaient comme des grains de poussière en suspens. Chacun de ces grains vaporeux était faiblement mais suffisamment éclairé par une pâle lueur qui émanait de lui et je pus discerner en chacun d’eux quelque forme connue dont je prononçai le nom. Ce dont je peux encore me souvenir est que l’un de ces grains était un cavalier qui était juché sur un cheval cabré. 
Je pensai : si c’est ça le Néant, il peut tout aussi bien être vide que contenir quelque chose. Des choses que seul Dieu connaît et qui vont devenir ou encore d’autres qu’Il a fait être et puis fait retourner au Néant.
  


   Ensuite et presque sans transition, je fus retiré de cet endroit pour être projeté perpendiculairement hors de la corde dans laquelle je volais antérieure-
ment.
  Alors, il me sembla qu’il y avait en moi une voix qui parlait en venant de très haut et ce qu’elle disait m’était familier des Saintes-Ecritures : « Je vous montrerai la demeure des gens pervers ». Effrayé, je criai :
— Non !
— Ne crois-tu donc pas ?, s’enquerra cette vois si douce et si sereine dans mon esprit.
— Si Seigneur.
   Je me sentis alors voler sur le côté, en un par- cours qui décrivit un arc-de-cercle dans une obscurité où tout, autour de moi, n’était qu’ ombre et silence. 
   Mon vol silencieux décrivait dans le noir une sorte de courbe qui finirait en cercle et soudain, je distinguai, avec ravissement, une boule très noire qu’une couche de fumée noire enrobait toute entière au milieu des ténèbres.
Un hoquet de bonheur m’échappa dans ma joie :
Ô Seigneur, j’ai pu voir sans y être enfermé, la Géhenne cachée dans un très grand silence.
   J’éprouvais maintenant un grand apaisement, un bonheur ravissant, une grande confiance et la voix s’exprimait en semblant n’en rien faire et je lui répondais en semblant ne rien dire ; comme si l’esprit disait qu’il pouvait résumer en une courte phrase tout ce qu’il disait et qui est su déjà et qu’une seule phrase pouvait tout exprimer.
   A présent je volais de nouveau dans l’espace, tel un rai de lumière par sa rapidité et ma face tournée vers ce que je quittais ; je voyais un grand ciel tout constellé d’étoiles.
   Plus mon vol m’éloignait de ces astres brillants et plus s’agrandissait le champ de ma vision et le groupe formé par ces milliers d’étoiles semblait se rétrécir tout en les enserrant et tout en s’éloignant, ces astres se rapprochaient les uns tout près des autres en se serrant encore jusqu’à mêler leur forme pour devenir ensemble un seul point de lumière qui devenait étoile tandis qu’il s’éloignait.
   De nouvelles étoiles surgirent, l’entourant, qui venaient apparaître de tous les horizons et mon vol m’éloignait du nouveau firmament qui rassemblait son groupe d’étoiles brillantes autour du premier ciel qui n’était en son centre qu’une petite étoile.


 
   Ce deuxième groupe aussi se mit à se rétrécir, resserrant lui aussi tous ses millions d’étoiles qui s’approchaient aussi, les unes près des autres et se serraient aussi jusqu’à mêler leur forme pour devenir ensemble un grand point de lumière qui devenait étoile en s’en allant au loin.
   Puis cette étoile aussi, éclipsant la première, fut entourée d’étoiles, surgies de toute part et ce nouvel amas d’astres resplendissants vint à rétrécir en volant vers le loin ; ces étoiles aussi s’étaient approchées autour de la deuxième étoile tout en mêlant aussi leur forme pour devenir ensemble un grand point de lumière qui devenait étoile en fuyant au loin.
   Ainsi se succédaient, en temps indéfini, des milliers d’autres cieux qui filaient dans le ciel en se rapetissant et allaient au lointain pour devenir étoile.
   Alors la vitesse de mon vol augmenta et mon champ de vision ne cessa de grandir, si bien que je pus voir, dans une immensité, des nouveaux cieux surgirent, formant  des nouveaux groupes qui n’étaient pas d’étoiles mais de groupes d’étoiles et ces groupes d’étoiles qui formaient tous ces cieux se mouvaient à leur tour comme avaient fait les cieux qui groupaient leurs étoiles un peu auparavant.
   Ces groupes de cieux ensemble s’éloignaient en se rétrécissant jusqu’à ne plus former qu’un seul groupe d’étoiles qui se rétrécissait et resserrait tous ses astres qu’il réunissait en un point de lumière qui, tout en s’éloignant, devenait une étoile.
   Aussitôt apparurent autour de cette étoile un grand nombre de cieux venus de toute part ; ils étaient, eux aussi, formés en des groupes qui, chacun, contenaient des millions d’étoiles. Ces groupes s’éloignaient en se rétrécissant et leurs astres, serrés les uns tout près des autres, formèrent à leur tour un seul groupe d’étoiles
   Celui-ci, à son tour, rassembla ses étoiles jusqu’à l’attouchement, et elles mêlèrent leur forme et elles se rassemblèrent en un point de lumière qui devenait étoile au fond de l’horizon.
   A son tour, celle-ci fut entourée de groupes de millions d’autres astres, apparus à l’entour, formés de mille amas qui vite s’éloignaient en se rétrécissant, en rapprochant leurs cieux qui vinrent se grouper, les uns tout près des autres, jusqu’à ne plus forme qu’in seul groupe d’étoiles. Ce groupe, en s’éloignant, en se rétrécissant, rassemblait lui aussi autour de lui ses rangs, les uns tout près des autres jusqu’à ce qu’ils se touchent, entremêlant leur forme, jusqu’à en devenir un grand point de lumière qui devenait étoile en filant vers le loin.
   Ces groupes de cieux se succédaient aussi, en temps indéfini et ils se rassemblaient pour enfin s’éloigner et devenir étoile dans cette immensité.
Cette dernière étoile fut alors entourée   par une infinité de groupes d’autres cieux qui avaient, eux aussi, surgi de toute part, mais qui, pour cette fois, ne s’éloignèrent pas : mon vol avait cessé dans cette immense nuit. 
La voix en mon esprit calmement prononça :
— Aimerais-tu être une partie de Moi ?
   Tout mon sang se figea et, saisi de frayeur, je ne sus que répondre, tant la demande m’étonnait.
Je crus, dans ma terreur, que Dieu m’éprouvait, avec ce que je répondrais, quoiqu’Il sut à l’avance ce que je Lui dirais :
— Mais…Seigneur
— N’as-tu donc pas confiance ?
— Si Seigneur, mais cela me semble être impossible…
— Ne saurais-tu donc pas que ton Maître est tout-puissant ?
— Si, Seigneur…
— Aimerais-tu être une partie de Moi ? *
— Oui, Seigneur.
— Alors, regarde.
   L’âme réconfortée, je pus voir devant moi clignoter une étoile dans ce foisonnement : Elle était bien plus vaste que tout un Univers et cet astre était d’or, brillant comme un miroir, me renvoyant l’image de moi qui m’y voyais.
Ensuite, cette foison de groupements de cieux se mit à reculer, d’abord très lentement, puis mon vol fut repris, augmentant sa vitesse et se fit plus rapide encore qu’auparavant.
Toute la vastitude de cet amas de cieux se mit à s’éloigner tout en rapetissant et, rapprochant ses groupes jusqu’à ce qu’ils se touchent, il les rassembla tous en un million de cieux et tous, ils reculaient en se rétrécissant, jusqu’à ne plus former qu’un seul groupe d’astres et ceux-ci, à leur tour, devinrent si petits qu’ils ne formèrent plus qu’une petite étoile.
    Puis surgit autour d’elle une autre immensité, faite de millions d’autres groupes de millions d’autres cieux et ils commencèrent aussi à s’éloigner en se rapprochant tous, les uns tout près des autres et jusqu’à se toucher pour former à leur tour un seul groupe de cieux, chacun de mille étoiles et ces astres fuyaient en se rapetissant et tout en s’approchant, les uns tout près des autres et presqu’à se toucher et confondre leur forme en un point de lumière qui, tout en s’éloignant, devenait une étoile.
   Aussitôt, celle-ci fut aussi entourée d’une autre infinité de groupements de cieux qui s’enfuyaient au loin, tout en rapetissant, pour faire, en s’éloignant, un seul amas de cieux et ces cieux, à leur tour, allaient vers le lointain en se rétrécissant, puis, approchants leurs astres, les uns tout près des autres jusqu’à ce qu’ils se touchèrent et qu’ils formèrent, ensemble, une seule lumière qui devint une étoile qui se perd dans le loin.
   Ces immensités de groupements de cieux se succédaient en temps indéfini, ensuite ils se groupèrent jusqu’à n’être qu’un tas, dont les cieux, à leur tour, s’amenuisèrent tant qu’ils formèrent une étoile.
Mon esprit extasié dit alors dans l’Espace :
— Seigneur, ceci pourrait continuer ainsi en toute éternité.
Mon vol s’arrêta là et la voix merveilleuse me dit alors dans l’âme :
— Nous vous avons enseigné ce qu’est le Paradis.
   Maintenant, au-dessus de ces vastes espaces qui avaient fui au loin, mon vol se poursuivit et devint plus rapide.
Dans ce ciel merveilleux, je vis un Paradis, sphère cristalline, et il me parut plus grand que tous les premiers cieux. Puis, tout en progressant, je grandis de taille et quand je l’approchai, je fus plus grand que lui et je le dépassai et grandis davantage. Un second Paradis, tout aussi magnifique, s’étendait vastement au-dessus du premier.
Je grandis encore plus et plus je m’élevais et plus de Paradis surplombaient les premiers. J’en comptai sept ou huit, mais seul Dieu peut savoir combien de ces Edens se trouvaient là, dans le ciel. J’étais devenu grand comme ces Paradis et ceux-ci et moi-même étions contenus dans une immense sphère qui était transparente et faite de cristal.
   Ce bel ensemble, alors, en entier s’éleva et se mit à voler plus vite que le reste et depuis cette sphère, je pus voir un grand nombre de sphères semblables. Elles étaient groupées dans ce ciel, par milliers et toutes s‘éloignaient en se rapetissant et puis en s’approchant, les unes près des autres, furent jusqu’à se toucher pour emmêler leur forme et ne plus devenir qu’une étoile dorée.
Celle-ci, aussitôt, fut entourée de sphères qui avaient, par milliers, surgi de toute part et elles s’éloignaient et puis se rapprochaient, les unes près des autres et jusqu’à se toucher, entremêlant leur forme jusqu’à se transformer en étoile dorée.
   Celle-ci, à son tour, fut bientôt entourée de milliers d’autres sphères, venues en même temps de tous les horizons et elles s’éloignaient en devenant petites et puis se rapprochaient, les unes près des autres jusqu’à ne plus former, en emmêlant leur forme, qu’une étoile dorée qui s’enfuyait au loin.
—  Mon âme extasiée s’écria dans le ciel :
— Ô Seigneur, tout ceci pourrait continuer à défiler ainsi pendant toute une éternité.
   Maintenant je savais que le Très-généreux m’avait rendu si grand, beaucoup plus que les cieux et que s’Il ajoutait sans cesse, à l’infini, ma taille comparée à l’infini de Lui, Qui n’a pas de début et Qui n’a pas de fin, Qui n’a pas de contour qui le dessinerait, resterait à jamais infiniment petite et proche du Néant.
 Un silence se fit et je volais encore, toujours à reculons, comme distrait soudain et je me vis sortir, à ma perplexité, d’une fleur de printemps, grande comme le ciel et mon vol, s’achevant en courbe dans l’espace, mon corps resté petit se remit à grandir tandis que la fleurette devenait plus petite et mon vol s’acheva en m’asseyant sur l’herbe, l’âme encore enchantée, devant la jaune fleur modestement penchée.

 
 
 
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