h LSDreams - 27: Adieu Berlin

   
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  27: Adieu Berlin
 
 
Adieu Berlin
 
  
  
 
   Plus tard, je sombrai dans un état de confusion mentale qui consistait à chercher quelque chose que je ne connaissais pas mais qui me paraissait être de la plus haute importance pour mon salut.
J’étais si inquiet que j’en devins morne et que mon caractère se tempéra. Aussi errai-je dans un environnement fantasmagorique dont l'irrationalité  était ponctuée par une grisaille monotone.
Je fus moins soigneux de ma personne, ne me rasant la barbe que de temps à autres, oubliant de laver mes cheveux, de mettre des vêtements propres.

  
   Un jour que j’étais allé chez Traudel T., elle m’avait dit tendrement de raser ma barbe de quatre jours  pour que les gens ne me prennent pas
pour un bandit.
Parfois, cela fut pire, je me clochardisais et, un jour, un rentier me lança de son banc qui
était en bordure d’un parc:
- ...eh, gitan...
Je m'immobilisai devant lui et lui dit insolemment:
-Voudrais-tu par hasard m'insulter?
Il se tint coi sans rien dire et je poursuivis mon
chemin. Mais j’avais le bonheur de pouvoir  me ressaisir à temps et de soigner mon apparence ou de me contrôler lorsque je ne  savais pas quoi faire quand j’oubliais de respecter les règles de la convenance.
On ne manquait pas de me rappeler quelques fois à l’ordre :
- Otez cette cigarette de votre bouche quand vous me parlez !
ou :
- On dit bonjour quand on entre chez quelqu’un !
ou encore:
- Mais enfin, dites quelque chose !
Je ne peux pas savoir ce que vous voulez,
moi !
   J’avais aussi cessé de boire parce que je craignais de devenir alcoolique et je sortais moins, le soir.
   Perturbé par la trop forte sonorité de la musique qui était diffusée dans les discothèques, j’en fus réduit à ne plus pouvoir entendre le moindre bruit.
Parfois, je restais seul chez moi, ou plutôt chez Margret K. à passer mon temps à contempler la nature que je pouvais voir depuis ma fenêtre
ou bien je longeais calmement la rive du canal
en observant le remue-ménage de la volaille
aquatique, ou encore, je m’asseyais sur l’herbe
pour peindre une aquarelle ou dessiner quelques parties de ce paysage.
Parfois, j'y fumais un joint, seul ou en compagnie de ceux de mes amis qui habitaient dans le même l'immeuble.
Le soir, je restais seul dans mon atelier-appartement et j’y fumais du hachich en jouant de la guitare. Mais un soir que j’en avais soutiré des sanglots qui étaient si déchirants que j’en versai des larmes, je cessai d’en jouer par la suite.
Christian, auquel je l’avais prêtée un soir qu'il en avait joué chez moi, oublia de me la rapporter plus tard et je ne la lui réclamai pas, parce que  je ne voulais plus l'avoir.
   De temps en temps, je retournais m’installer
pour une durée indéterminée chez Jutta N.
Elle ne changeait pas ; je m’étonnais toujours
de son air ravi de me revoir quand elle me
recevait, elle me souriait à pleine dents et m’interpellait de la même façon joviale et elle m’invitait à entrer et à prendre une tasse de café.
Voyant dans son regard la ferme intention de faire perdurer cette entrée en matière, j’acquiesçais en souriant et, sans rien dire, je la suivais jusqu’au salon.
Elle ignorait tout de ma souffrance parce que je n’en parlais jamais à qui que ce fut par crainte d’être cru devenu fou.
   Aujourd’hui, avec l’expérience que j’ai acquise en matière de religion, je devrais dire, afin de faire comprendre pourquoi j’étais dans un pareil état, que je ne trouve pas de meilleure explication que celle des Saintes-Ecritures : j’étais peut-être possédé  par le démon. Or, on sait ce que le démon peut inspirer à l’homme d'égarement.
Cet état donc était le résultat d’un blocage de la personnalité qui déformait la réalité de telle manière que le comportement en était altéré.
Le blocage était produit par des idées étranges
qui s’étaient ancrées dans mon esprit sous forme d’inconnues.
Je ne savais pas ce que je vivais, ce que j’avais été, ce à quoi j’aspirais sans en connaître la nature. Avec l’aide de Jutta N. qui me paraissait de plus en plus bizarre, j’entrepris lentement les démarches qui sont nécessaires pour entreprendre un voyage qui s'avérait nécessaire.



 
   Elle me donna assez d’argent pour pouvoir réserver une place d’avion dans une agence de voyage. J’avais choisi un programme économique afin de faire une halte à Prague et, de ce fait, je devais emprunter un avion qui décollait de l’aéroport de Schönefeld, à Berlin-est. Elle ne put m’accompagner dans la zone
occupée et je passai sans transition d’un monde en un autre.


 
Etourdi comme je l’étais, j’avais emporté avec
moi tout mon attirail de fumeur. On m’épingla à la douane et on me conduisit dans un bureau où je fus obligé de me déshabiller jusqu’au caleçon de bain que je portais. On emporta mes
vêtements et je fus conduit jusque dans un
conteneur dans lequel ronronnait bruyamment une quelconque machine.
On me dit de m’asseoir sur la chaise qu’il y avait là et d’attendre. Le soleil de l’après-midi chauffait le toit de métal du conteneur et je suffoquai de chaleur pendant peut-être deux heures.


 
J’étais d’humeur massacrante et je faillis exploser de colère lorsqu’un douanier entra en triturant mes vêtements. Abasourdi, je le vis tâter avec dépit toutes les coutures de ma veste et de mon pantalon. Comprenant qu’il ne parvenait pas à croire que je n’aie pas de hachich sur moi, je secouai la tête lentement en le regardant.  Il secoua sa tête aussi, mais d’un air interrogatif. Je tendis ma main et il y déposa mes vêtements, un peu comme à regret, mais il garda mes bottillons ultralégers dans ses mains en les regardant d’un air chiffonné pendant quelque temps. Comme il commençait à m'amuser pendant que je l'observais en silence, il se résigna enfin et me les tendit aussi, puis il fit demi-tour et repartit sans mot dire.



 
 



 
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