Récits authentique d’expérimentations avec
les drogues hallucinogènes faites par l’auteur
C’est à Berlin, en 1966, durant mon premier semestre d’études à l’Ecole supérieure des Beaux-arts, que je commençai à fumer du haschich et, un peu plus tard, à goûter à d’autres sortes de drogues, à peu près toutes. Au début, je ne fumais qu’occasionnellement du haschich, lors de mes rencontres avec mes amis qui devenaient de plus en plus nombreux, après que j’eusse vécu une vie rangée d’ouvrier d’usine. J’étais lassé par ce genre de vie monotone et je m’étais inscrit à l’Ecole des Beaux-arts afin d’y devenir artiste peintre avec l’ambition d’en faire mon métier. Je projetais de faire le tour du Monde à pied, en auto-stop, en train et en bateau, en gagnant ma vie, çà et là, grâce à ce nouveau métier. Mais dès le premier semestre, je fus pris de passion pour une femme, l’Art, la drogue et la vie d’artiste. Moi-même, j’étais loin de me considérer comme artiste, du point de vue technique. Pour moi, être peintre, c’était être l’égal des grands maîtres dont le nom était resté dans l’Histoire.
Je fumais de plus en plus souvent avec mes amis qui en étaient déjà dépendants, mais le jour vint où cela ne me fut plus suffisant et je commençai à aller moi-même chez les dealers pour acheter mon propre « piece », autrement dit ma première portion de Haschich. Par la suite, devenu dépendant de cette drogue douce, je fus contraint d’en acheter régulièrement. Je commençai à préférer le monde de la drogue et l’un de mes amis, M.L., m’apprit un jour qu’il avait essayé le LSD.
— Comment est-ce, lui avais-je demandé.
Avec une moue embarrassée, il répondit :
— Je ne sais pas comment dire…c’est quelque chose d’étrange.
Puis il ajouta qu’il projeter d’en reprendre le samedi suivant et il me suggéra de m’associer avec lui à cette expérience.
J’acceptai et, le samedi venu, je me rendis chez un autre ami, S.T., qui habitait une maisonnette dans le quartier de Reinickendorf que M.L. m’avait indiquée comme lieu de rendez-vous.
Le jour venu, je me rendis à l’adresse indiquée. S.T. avait agencé le rez-de-chaussée en le vidant de tous ses meubles et en installant, au fond de la partie de tout l’espace du rez-de-chaussée, une estrade en forme d’alcôve. Le parquet était peint de manière luisante en marron assez foncé et il était couvert d’un certain nombre de petits coussins en velours de toutes les couleurs et aussi de quelques fourrures de mouton. Entre deux petites fenêtres qui donnaient sur la rue, il avait installé un radiateur de chauffage au gaz dont il avait ôté l’habillage. Il avait aussi ôté la porte de cet espace et l’avait remplacée par une simple ouverture dont le sommet était arqué.
Ce jour-là, j’ignorais que j’allais assez souvent voir ce décor sous un aspect différent. Une fois entré dans cette maisonnette, M.L. me tira à part et me confia qu’il avait fait, entretemps un autre « trip », terme qui désigne une expérimentation avec du LSD, il y avait de cela deux ou trois jours et il me conseilla de partager avec lui une dose de LSD seulement, par mesure de précaution, puisque ce serait ma première expérience avec cette drogue. Il me quitta pour disparaître dans la cuisinette et il en ressortit un moment plus tard.
Il me rejoignit sur le bord de l’estrade où je m‘étais installé, en tenant un verre empli d’eau et puis il s’assit à côté de moi avec un air anxieux qui me fit sourire. Levant quelque peu solennellement le verre, il en but la moitié et ensuite il contrôla le niveau de l’eau qui subsistait. Puis, le pointant avec l’ongle d’un doigt, il me le tendit cérémonieusement en disant :
— Tu vois, la moitié exactement.
M’abstenant de m’enquérir de la raison de son appréhension, je saisis le verre et l’avalai d’un trait.