h LSDreams - 48: Le voile éblouissant

   
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  48: Le voile éblouissant
 


Le voile éblouissant

 Enfin, je fis ce que je crois être mon avant-dernière expérimentation, laquelle apporta un tel changement spirituel que je la propose à titre d'humble contribution à la connaissance universelle des substances hallucinogènes.

    Durant cette expérimentation, j’étais parvenu à ce stade où l’on ressent une irrésistible envie de s’étendre et de clore les yeux, sans être pourtant fatigué ni avoir besoin de sommeil. Comme d’habitude, j’avais mis de la musique bien choisie parce qu’elle exerce une forte influence sur l’état psychologique de l’expérimentateur.

  Les visions fantastiques avaient commencé et j’étais plongé dans la contemplation de cette profusion de changements, de thèmes, d’ambiances, de couleurs et de pensées inhabituelles. Des nuées d’images qui étaient très hautes en couleurs et en mystères et qu’aucun être du Monde n’aurait pu inven-
ter, s’offrirent généreusement à ma vue spirituelle.

   De leur diversité inénarrable, je me souviens, entre autres, d’images géométriques, mouvantes dans l’Espace qui furent remplacées par un vaste ciel bleu duquel surgirent des bulles blanches qui étaient disposées en grille et qui se trouvaient à équidistance les unes des autres. Elles se mirent à grossir et devinrent toutes sphériques comme de géantes perles, mais elles demeurèrent immobiles pendant un certain laps de temps. Puis apparurent des rayons de soleil éclatants qui vinrent embraser ce ciel subitement chargé de nuages mystérieux qui l’embrunissaient. Dans cette curieuse lumière apparut, à un horizon qui n’était ni proche ni lointain, de très somptueuses et imposantes bâtisses dont l’architecture était surprenante de beauté. Une sorte de haut château ou de forteresse, car il n’était pas possible de classer cette construction, émergea d’une brume que doraient les rayons d’un soleil invisible.

De hauts murs aveugles et lisses qui ne comportaient aucune jointure, brillèrent quelque peu dans cette lumière comme s’ils étaient faits d’albâtre ou d’ivoire.

   Tandis que les couleurs de ces visions persistaient encore en moi, je fus contraint de rouvrir les yeux à cause de la musique qui commençait à me perturber. Depuis peu, j’étais saturé de ces morceaux de musique que j’appréciais depuis plusieurs années déjà. Je m’assis, à la lumière faible d’une bougie et entrepris de choisir une cassette dont la musique serait susceptible de me plaire en un tel moment.

Je réussis à faire jouer une chanson d’amour qui me transporta directement vers ma première enfance.

C’était le jour où mon frère aîné me conduisit à l’école maternelle comme s’il s’agissait pour nous de faire une simple promenade. Dans la cour de l’école, il me mit en présence d’une institutrice avec laquelle il s’entretint pendant un petit moment, tandis que je regardais avec curiosité ce que faisait une ribambelle d’enfants qui semblaient être tout à fait à l’aise en cet endroit. Puis l’institutrice me tendit la main et me demanda de la suivre. Effrayé, je me tournai vers mon frère que je vis avec effroi courir vers la sortie de l’école. Me croyant abandonné, je hurlai de douleur, d’autant plus qu’il me vint à l’esprit que ma mère ne voulait plus de moi.

L’institutrice tenta de me prendre par la main et de m’amadouer en me priant d’aller jouer avec mes nouveaux camarades, mais je refusai catégoriquement et me mis à pleurer davantage et à sangloter sans retenue. L’institutrice, après un haussement d’épaule fatigué, me laissa seul à mon chagrin. Compatissante, une jolie petite enfant blonde m’approcha et me dit gentiment :

− Ne pleure pas, tu la reverras, ta maman.

Etonné, j’interrompis le cours de mes lamentations pour regarder cette petite chrétienne avec de grands yeux :

− Oui ? Tu en es sûre ?

− Mais oui, voyons.

Nous nous regardâmes en silence, puis elle me tendit la main :

− Viens, on va faire des pâtés.

   Je la suivis en silence et nous allâmes nous adosser à deux arbres proches, de chaque côté d’un monticule de sable. Elle prit du sable dans sa main et le tapota pour lui donner une forme de pâté. Puis elle me sourit gentiment et je pris à mon tour un petit peu de sable et le tassai sous ma main creuse. Nous nous souriions sans dire un mot. Nous nous comprenions, car nous étions heureux d’être ensembles et, depuis ce jour-là, nous devînmes inséparables.

   Après la maternelle, nous prîmes l’habitude d’aller vers « mon aire de jeux » qui était un petit terrain laissé en friche entre deux villas, à quelques pas de chez moi.  Là poussait de l’herbe folle et des fleurs sauvages et, de surcroît, il y avait un tas de sable pour les enfants du voisinage, sur lequel nous nous asseyions pour faire des pâtés en nous souriant sans qu’il fut besoin pour nous de dire quoi que ce soit pour nous comprendre.

   Par un beau jour de soleil marocain, nous étions à nos pâtés lorsqu’une musique, chantée en duo, survolant les jardins, se fit entendre d’une maison voisine. Un homme et une femme se déclaraient mutuellement leur amour à qui voulait bien les entendre. Nous nous regardâmes avec un sourire de connivence et, en silence, nous pensâmes qu’il était inutile de déclarer un amour que l’on peut se communiquer sans proférer de parole.

Attendri par ce souvenir, je remplaçai la cassette et dus subir les jérémiades d’un chanteur qui se plaignait des aléas de sa vie.

Arrêtant la musique, je pensai :

− Que m’importent les problèmes de ce chanteur ?

Mais le silence qui suivit vibra littéralement dans
mes oreilles et me mit mal à l’aise. 

Que faire d’autre ? 

Une impulsion soudaine me fit saisir une cassette sur laquelle était enregistré un passage psalmodié du Coran. Puis je m’étendis en fermant les yeux et, aussitôt, les visions enchante-
resses réapparurent.

Mais les premiers mots de l’enregistrement retenti-
rent dans la chambre :

− Certes non ! L’homme dévie du droit chemin dès qu’il s’enrichit. 

Lorsque j’entendis ces paroles pour la première fois, quelque temps aupara-
vant, je pensai :

− Non, si Dieu me pourvoyait d’une fortune, je ne dévierais pas. Bien au contraire, c’est là que je Lui serais reconnaissant, je marcherais droit et don-
nerais aux pauvres une partie de ce dont Il m’a pourvu.

 

   A présent, cette négation avait retenti dans l’espace et les visions furent ébranlées, elles hésitèrent pendant un court moment et enfin elles disparurent complètement.

Atterré, je regardai dans le vide de la chambre et la vis sous son apparence habituelle.

Puis suivirent les mots du chantre :

« L’homme dévie du droit chemin dès qu’il s’enrichit. »

ensuite je me vis survoler, par une sombre nuit, le quartier d’une ville que je connaissais bien, Wilmersdorf, à Berlin, que je voyais défiler au-dessous de moi comme une plan cadastral sombre et, restant en suspens au-dessus d’un pâté de maisons, je vis une lumière rouge clignoter dans le rectangle qui désignait un appartement que je reconnus également, le magasin avec son arrière-boutique que nous avions transformé en appartement, Jutta N. et moi et dans lequel nous étions aisés. C’est là que par une nuit d’abondance, mets délicats et boissons disposés sur la table, après un copieux dîner, j’admirais ma jolie femme endor-
mie avec son bel enfant en pensant que c’était cela le Paradis et que tout le reste, on le racontait à ceux qui n’a-
vaient pas de chance.

Cette-nuit-là, l’oiseau que nous avions en cage m’a désapprouvé et m’a rappelé à la réalité.

Le chantre s’était tu et il me sembla que Dieu m’expliquait :

− Moi, ton Seigneur, Le Créateur, J’ai décrété que l’être humain dévierait du droit chemin dès qu’il s’enrichirait, qu’il le veuille ou non.

   Je compris alors que c’était un choix que Dieu nous propose : prendre la Science divine afin d’aller au Paradis ou préférer la vie de ce Bas-monde pour aller en Enfer.

Je priai Dieu de me pardonner, car je venais de com- prendre que j’étais dans une erreur certaine :

« Dieu dit la vérité et moi, je L’ai contredit. Comme si je croyais que Dieu peut se tromper, comme si j’étais plus savant que Lui, comme s’il ne me restait plus qu’à prétendre être un dieu moi-même.

Par cupidité, par ignorance, j’avais failli commettre le plus grand péché qui soit.

 

Mais Dieu nous sauve, Il nous enseigne et nous Il nous pardonne, car, s’Il ne pardonnait pas, l’homme n’aurait plus aucune chance de progresser vers Lui.»

   Maintenant se concrétisait le doute que j’éprouvais au cours d’une précé-
dente expérimentation durant laquelle j’implorais La Vérité, en refusant toutes les visions et toutes les tentations qui se présentaient à moi, afin de découvrir la vérité. 

   Ainsi donc, toutes ces visions captivantes, toutes ces splendeurs n’é-
taient qu’un voile qui nous cachait la vérité. Elles sont, dans le domaine spirituel, ce qu’est le clinquant de la vie dans le domaine temporel. Ce ne sont que des apparences, lesquelles peuvent être paradisiaques ou infernales, qui s'interposent en écran pour nous distraire de la Vérité divine.


 

 
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